Anthologie poétique
La chambre est pleine d’ombre ; on entend vaguement
De deux enfants le triste et doux chuchotement.
Ils parlent bas comme on le fait dans une nuit obscure,
Ils écoutent pensifs comme un lointain murmure.
Il n’est donc point de mère à ces petits enfants,
De mère au frais sourire, aux regards triomphants ?
Le rêve maternel, c’est le tiède tapis,
C’est le nid cotonneux où les enfants tapis
Dorment leur doux sommeil, plein de visions blanches !...
Maintenant, les petits sommeillent tristement :
Vous diriez à les voir, qu’ils pleurent en dormant.
Ils se croient endormis dans un paradis rose
Et leur vague regard tout autour d’eux se pose …
On dirait qu’une fée à passé dans cela !...
Là, sur le grand tapis, resplendit quelque chose …
Des petits cadres noirs, des couronnes de verre,
Ayant trois mots gravés en or : « A notre mère ! ».
Arthur Rimbaud, les orphelins, 1869