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lettresdumonde
24 novembre 2019

Solitude (6)

... Le bar était enfumé, la loi Evin, ici, dormait dans son petit panier d’osier. Trois téléviseurs plasma géants de 150 pouces diffusaient les courses. On avait l’impression, pris dans cette ambiance que les chevaux pourraient traverser la salle, enjamber le comptoir et pourquoi pas terminer leur course au bout du même comptoir et se jeter dans la vitrine. Armand Dommas et Brice Corsor s’était assis au milieu du bistrot pour éplucher les combinaisons gagnantes.

« C’est Maelstrom qui va triompher mercredi Armand. Je le sais tu peux parier un max Armand, tu verras, tu ne le regretteras pas ! »

Armand et Brice buvaient une bière à la pression flamande, une Anosteké (« à une autre fois ») à haute fermentation avec sa légère amertume, parfumée exquise de Blaringhem.

« Je peux mettre 100 euros » disait Armand

« C’est super » avait répondu Brice Corsor, tu peux récupérer mille fois ta somme, moi je mise 300 euros. »

Dix-sept heures sonnaient quand Armand avait remercié son patron et pris ses jambes de derrière pour aller prendre l’air. Il se dirigeait vers la plage à marée basse du côté de Malo. Armand avait ôté ses bottes de Renaud Sechan, l’auteur adoré des « mômes et des enfants d’abord », il marchait dans l’eau vers le Belgique. Il fermait les yeux. Le vent du nord, depuis Ostende, jouait avec sa longue chevelure blonde qui aurait pu rappeler un pur-sang sur le terrain à deux doigts de la victoire, narine dans l’air. Dans sa poche, sa main caressait son opinel de bois de santal. Il se rappelait la veille au soir, son arme blanche fouillant dans les intérieurs intimes du viel homme. Il avait trouvé ça bon comme le homard au cognac mais il ne comprenait pas pourquoi ! La petite voix qui lui avait soufflé « tu peux Armand, tu peux » s’était calmé pendant la nuit mais Armand imaginait que ce filet venu du fin fond de son âge était toujours prête à se manifester.

« Tu peux changer de vie » pensait maintenant Armand. Partir au bout du monde, comme ton père, rencontrer les iles inconnues, isolées au bout d’océans rugissants ou aux flammes de feu. Armand se voyait retrouver son père et sa mère, amoureux comme au premier matin du monde, sur une ile Marquise réchauffée encore au soleil de Brel, l’attendant bien installé dans le ventre de sa mère si protecteur et qui sait, déjà aimé et attendu par une jolie Vahiné, sa sœur. Armand se voyait recroquevillé dans ce nid chaud, recroquevillé et où tout était gratuit : l’amour, l’eau bénite et la nourriture délicieuse mijotée déjà par sa mère adorée. Sa mère qui avait été professeur d’anglais incarnait la grâce absolue. Armand se remémorait que souvent dès ses 5 ans, il avait été jaloux de tous ces ados qui des heures entières avaient la chance d’entendre la voix si douce de sa mère...

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