J'ai perdu tout ce que j'aimais
D'abord, si vous êtes atteint de ce syndrome, si vous présentez le tableau clinique d' Alois vous ne chantez pas ! A la rigueur vous fredonnez, bouche cousue ou a mi-voix!
Ensuite, il n'est pas certain que vous vous souveniez du texte de ce chant qui sonne avec un brin de mélancolie.(Je traîne en souliers bicolores/ Paille et phosphore dans l'eau du port/C'est une mélancolie banale/Vodka orange et Gardénal.)
Et puis souffrant de cette neurodégénérative génétique (1%) ou sporadique qui fait faire un régime drastique de 10% de son poids au cerveau tous les 10 ans (en commençant par grignoter nos hippocampes à mémoire), auriez-vous la conscience, comme avec un faisceau attentif, de perdre tout ce que vous aimiez ?
Cela me rappelle ce débat entre Jean Claude Ameisen et ce philosophe qui estimait qu'il n'y avait plus personne la dedans et que l' identité de sa femme s'était fait la malle, une coquille de noix sans corps calleux dérivant sur l'océan, pavillon noir sur le gaillard d'avant.
Au début Alois est discret, il vient de loin (1906), il entre à pas de loups, il saurait presque montrer patte blanche, les ongles propres et la bobinette tombera.
Aprés, Il y a des moments de lucidité mais si on chante - c'est tout bas- "j'ai perdu tout ce que j'aimais" assis dans un fauteuil à roues au bord du précipice, au point de traiter comme du poisson pourri le meilleur des fils bien-veillant !
La plupart du temps et en avançant dans le processus, colin-maillard sans port, destructeur on se sentirait plus proche d'un Rosset et d'un loin de soi, loin des mots, abîmé dans la dépression, un peu comme chez David Lodge et qu'on ne voudrait plus se lever, planqué dans des thérapies mélancoliques!
"J'ai perdu tout ce que j'aimais" serait plutôt la phrase de la personne seule, autour.
Alois est fort, très fort, à la fin il n'y a plus personne, tout est rongé !
"Avec le temps va tout s'en va" disait Léo !