Un amour (35-36-37)

Adélaïde, le petit Serge de nous deux trouve que les tiens sont plus voluptueux que les miens, entre nous il t'appelle Bridgida, Lollo pour les intimes, tu peux me les montrer s'il te plait ?"

 Entre filles, il n'y a pas de limite surtout quand on vient de terminer la veille le journal de Nin et qu'on entame la vie sexuelle de Catherine M*** qui n'est pas encore écrite.

Ni une ni deux Adélaïde ôta son soutien-gorge en flanelle de chez Aubade qui laissa exploser la dynamite secrête et bien formée de ces deux symboles de la féminité, canon de la beauté inextinguible depuis des lustres, à faire palir le petit père Renoir perdu dans son XIX ème siècle à chapeau. Deux bombes donc plus douces que les cordes d'un arc tendu d'un petit Cupidon à fesses nues penché dans le miroir d'un Vélasquez amoureux. Nos deux cousines se mirent au bain turc - qui exposant ses rotondes violines les plus belles, qui les fruits du désir, aspirant les vieux souvenirs d'un baiser échangé sur les bords d'un chemin vert gorgé des étincelles de plaisir adolescent devant les dessins splendides d'une Garbo, d'une Loren, d'une Bardot, d'une Marceau réunies. Les filles s'en donnent à coeur-joie musical, se tripotant réciproquement les tétons aux aréoles gonflées. L'empire des sens avait déposé son charme et son emprise sur le parfum des corps ! Oui, il y avait là un Dieu des corps ! Ce jour là Sylvie portait charnellement Chanel au cou, celui là même que sa professeure des Beaux-arts, une chinoise mieux roulée que n'importe quelle gitane, enfant de Bohème ou personnage portant robe dévouée de Xiu Xiao Long , l'auteur de polar dissident immigré aux Etats Unis. Sa professeure avait fait ses études à Shangaï dans une école de Manga. Elle avait rencontré Jirô Taniguchi. Rentrée en France enceinte, elle avait enseigné six mois à Toulouse dans un cours spécialisé à Manga, pour jeunes argentés amoureux du Japon. Elle disait toujours à Sylvie et à sa petite troupes de nénés pointus de soigner le trait, chaque jour, avec un nouveau parfum de cerisier rose. La pièce resemblait à un jardin des délices où les saveurs en hélice vous emportaient les narines dans le sens d'Ingres quand les yeux se retournent tout blancs par trop de bonheur nasal ou visuel.

"Adélaïde, ils sont vraiment beaux tes lolos, fais bien attention qu'on ne te les vole pas !"

" Comment veux tu qu'on me vole ce genre de chose. Ne t'inquiète pas, ils sont bien accrochés, même Arsène Lupin ne saurait en venir à bout"

" Tu as oublié le chapitre où Maurice déguisé en Georges Descrières embrasse furtivement Antoinette absorbant par en dessous, dans la dentelle entrouverte, les contreforts de sa belle poitrine blanche qui ferait même pâlir un curé de campagne ?"

"J' vois pas l' chapitre, dit Adélaïde, et j'vois pas d' Arsène dans notre scène romanesque à nous ! Serge, tiens c'était sa fête hier, est tout de même un peu lourdeau avec sa tribologie experimentale, on a toujours l'impression qu'il patine dans sa mécanique d'ajustage, décolletage, il nous prend pour des pièces mécaniques ou quoi ? Nous ne sommes pas des pieds à coulisse tout de même ! "

" C'est bien vrai ça, Adélaïde,  tu crois qu'on devrait le virer de nos mètres carré trop étroits ?"

"Oui , tu as raison, on  va le faire une dernière fois et on va lui découper au ciseau comme à la fin de l'empire du fait divers de la corrida d Ōshima, on sera bien tranquille entre nous !"

"En même temps, il faisait quand même bien la vaisselle et la cuisine le petit Serge à moitié amoureux de moi, une petite fille au fond, comme nous"

"C'est vrai aussi, j' aime encore assez bien aussi ses intentions de petites vaisselles à la main, ses petits plats à la mangue recherchée et toujours prêt à découdre dans une belle poêle chaude"

"Bon alors gardons-le, aprés tout c'est quand même un garçon et tout est bon à prendre n'est-ce pas  ? ".

"Oui , gardons-le, aprés tout, tu as raison!" termina la première coloc qui allait toute nue à longueur de jours écarlates jusque dans ses cours du musée des beaux-arts. Toutes les deux, Adélaïde compris, se replièrent dans leur lecture réciproque. Adélaïde avait entamé un nouveau chapitre sur la cryptologie quantique. Le partage des clés et l' aléatoire allaient bon train quand le flux du hasard sans nécessité  secoua la porte d'entrée du petit appartement commun  qui s'ouvrit sans crier gare. Les deux cousines levèrent le visage en même temps surprises par le grincement des gonds mal huilés.

"Vient t'assoir ici Serge !" fit Sylvie sur un ton étrange qui venait de s'extirper de son Nine.

"Dis donc, tu penses quoi toi Serge, autant que tu sois un mâle, de cette histoire de metoo et de balancetonporc qui se déversent en lame de fond sur les roseaux sociaux et antisociaux ?"

" C'est rudement bien, dit Serge, pour la première fois on est devant un moment historique, cette fois grâce aux réseaux, où les femmes vont dénoncer, en espérant que cela aille plus loin que la libération de la parole, tous les abus, les humiliations et les harcélements qu'elles subissent depuis la nuit des temps, le jour s'est levé ..." 

" T'entends Adélaïde, notre petit Serge, l' étudiant en mathématiques est un vrai féministe !"

"Je suis  pas petit " fit Serge " non c'est pas ça, je crois pas à un mot de ces histoires, "c'est un problème de Femmes, c'est un problème d' Hommes et etc ... pour moi c'est une question de rapport  de sexe, de place, de domination, d'éducation mal foutue ... cette saloperie de pouvoir qui carbure au trophées à la pathologie et au plasir de l' humiliation..." 

"Trop fort " dit Adélaïde , "t'es allé chercher où tout ça, t'as lu Fraisse et Héritier ? "

"Bah non,  c'est évident mais je lis tout  ! de vous deux je n'ai accepté que les petits baisers consentis que vous avez bien voulu m'accorder, et puis vous allez toute nues, ça ne me dérange pas, au contraire "

"Au contraire ! un vrai chou  Ah ici c'est pas la guerre des sexes au moins" ...

" Allez fit Sylvie, allooooons-y un petit cours de tribologie en accéléré, s'il te plait,  j'ai envie !" ...