Le vieillard (36)

… « Trois jeunes tambours » de Nana Mouskouri …

La garnison anglaise était basée à Brest 29 en Finistère, tout près de l’arsenal, rue de l’amiral casse ponpon. Ce matin-là, l’arrière s’ennuyait malgré les mélopées BBCiennes, les musiques venaient de loin, d’un autre temps, comme à chaque fois dans les temps mous, les « drôles de guerre ». La fleur au fusil avait des petits airs de chrysanthèmes, la foi n’y était pas !. Hier, soixante-trois jeunes gens, étaient tombés d’un coup, du côté de Maine, vers Trélazé, l’ardoise était salée, sur tous les flancs ça s’affaissait, guerres isomères.

Mais contre qui se battaient-ils donc ces enfants britanniques, pas uns ne le savaient ! Ignace, le fils d’une ancienne Simone incertaine, loin de Linda son épouse française, avait pris la nationalité anglaise et abandonnait les spéculations boursières, le vent était devenu soufré. Ce matin avec son crayon de bois, il écrivait à son amour, en fumant une pipe de tabac gris et belge, cercle de fumée en forme de manque. Linda habitait Canterbury, poussant dans les riches jardins anglais, aux meurtres réputés, ses analyses phytosociologiques. Régulièrement, la nuit, dans son grand lit, seule, elle pensait à Louis disparu sans prévenir et à Simone, l’amoureuse de Bobby la Pointe. Elle se surprenait à chantonner « avanies et framboises », sur l’arpège des fameuses mamelles du destin. Son fils âgé de treize ans, fréquentait le collège privé voisin à l’ombre de la haute cathédrale de dentelle et loin des jeunes filles anglaises en fleurs : il appréciait peu le costume. IL se souvenait, mais ses souvenirs n’étaient peut-être pas les siens, de ses journées passées dans le grenier parisien. Les anciens uniformes militaires, découverts dans une vieille malle, l’intriguaient toujours. Il aimait sa mère qui lui parlait maintenant dans la langue de Shakespeare, comme un enfant heureux …