Le vieillard (46)

…Le train continuait sa course en flèche, pourtant le temps dans cette petite voiture humaine s’arrêtait en chacune des gares du passé personnel de ces convives voyageurs.

En dormant, le petit nez retroussé de la cinquantaine épanouie remua comme si au fond du reptile tapi dans son cerveau une odeur titillait ses narines. A cet instant le train s’arrêta net retenu, semblant se pincer le nez dressé sur ses rails.

« C’est quoi ce parfum ? » fit louis

« Je ne sais pas » répondit Simone Charpy .

« Il me rappelle quelque chose, autrefois peut être. »

Louis se vit, étendu sur son lit d’hôpital, au réveil d’une longue nuit. Le neurochirurgien, Démentia s’était présenté dans une odeur d’éther, lui expliquant les nouvelles énergies qui devaient circuler dans son cerveau. La dame bougea à nouveau. Un contrôleur prononça dans son micro enroué des mots inaudibles. Le vieux manteau cortical reprisé de Louis mélangea les couleurs.

« Bonjour maman » fit il, sorti d’un rêve où la leçon de piano avait suivi la descente du grand escalier de ses treize ans. La petite tache de sang était bien posée sous la poche de l’uniforme. Il ne comprenait pas! L’ odeur était la même, un mélange de feuilles séchées d’automne et d’ éther.

« C’était la guerre ! » fit il, entre deux temps, cloué sur la banquette du passé.

« Quelle guerre ? » demanda Simone

« La guerre ! la guerre ! »

« Quelle guerre ? » interrogea le soldat qui cheminait sur les prairies d'Isabelle et qui n’était pas pressé de rejoindre sa caserne.

« Quelle guerre ? » fit la dame au chapeau qui soudain avait repris contact avec les ruelles bleues du réel.

« Vous, vous fichez de moi ! » fit Louis dont la crise énervée impromptue aurait pu être la petite sœur d’un petit mal d’épilepsie, langue croquée et etc .... Sa veste se tendit, son identité sur carton métallique gagna le sol à la façon d’une pomme Newtonienne.

« L’ heure est grave, qui suis –je ? » fit Louis .

« Un vieux monsieur ! » fit la dame poliment.