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lettresdumonde
14 octobre 2022

Le vieillard (69)

… « j’ m’en tape de vos fils !!! » répondit Louis qui fleurissait au contact de la ronde dame….
Simone et Linda, nos jumelles hétérozygotes sans parenté sinon par les alliances inventées avec notre Louis préféré, indignes de figurer dans une belle recherche sur la gémellité de René Zazzo, étaient totalement saoules, chantaient, dansaient ensemble comme deux petites sœurs retrouvées. Notre militaire continuait sa chanson des neiges : « s’est pris au piège de ses grands yeux … », il se voyait sur les hauteurs du Kilimandjaro, comme sur un gâteau de mariage, habillé de noir et valsant sur le dernier sommet du monde. Solal était beau. Beau au-delà du réalisable. Sa glaise à la peau légèrement halée, taillée par un artiste potier s’était entourée depuis son enfance d’un soleil du sud. Il dansait maintenant aussi au rythme des applaudissements réussis de la très vieille dame qui elle-même manifestement prenait son pied par toute cette jeunesse débridée. Le vieux Louis était incroyable, lui qui tout à l’heure sombrait dans une désespérance creuse de ne point retrouver son papa, s’arrachait maintenant en baisers multiples déposées partout et ça et là où l’on peut avoir envie de poser ses lèvres sur une réussite féminine, épanouie incontestable. La place de Magdebourg voyait cela, si bien même qu’un diable en gargouille de la cathédrale gothique en dentelle, sema, comme à Bruxelles, un manneken pis impudique, quelques gouttes d’eau de pluie. Le soleil avait percé et sous la pierre rieuse un lumineux arc en ciel s’était levé détaillant avec plus de franchise un rose bonbon... le papier ciel était bien bleu et semblait enrubanné ce petit monde, hors du temps, jouant musette. Notre cinquantenaire enfin se dégagea, comme on se dégage d’un envoutement, d’un philtre en bout de course mais surtout d’un poids moyen de cent ans qui commençait à la presser, à l’écraser, à l’étouffer.
« Louis du calme ! fit elle, je ne peux plus respirer »
L’ancêtre se dégagea à regret, écarta cent-trois fourmis installés et grignotant ses vieux os, précisa un jeune sourire sur ses lèvres ressuscitées et se leva alors que le carillon de la cathédrale expulsait l’ heure en césarienne d’un midi tapant.
« Il faut y aller, siffla Solal, le train pour Hambourg est à vingt, nous allons le louper ».
« Hambourg « firent en cœur de chou-fleur les cinq autres.
« Nous allons passer à Stendal en Altmark !» insista Solal.
« Quelque chose à voir avec Henri Beyle le grenoblois ? » demanda Simone Charpy qui se souvenait du rouge et le noir étudié en première A de ses années lycée où l’on se les brise à cent sous de l’heure. Mais Stendhal l’avait marqué au fer rouge et pour le noir elle essaya trois semaines la tenue gothique, longue cap de cuir sur son long corps charmant percés de quelques bagues en toc, alors de mode jusque sur sa langue,et tout ça pour plaire au petit Sorel , allez savoir ?
« Stendal ? Je connais ! fit dame cinquante, j’y ai fait un stage autrefois, il y a une statue en bronze de trois mètre soixante de Henri Heine, le poète, "sur tes joues réside l’été brûlant, dans ton petit cœur habite le froid hiver. Cela changera un jour, ô ma bien- aimée ! l’hiver sera sur tes joues et l’été dans ton cœur ».
« Joli ! » murmura Louis à l’oreille de sa nouvelle amoureuse, Fabrice amoureux de sa Célia.
« Allez en route les enfants, le train, le train … » rompit Solal
« On va où ? » demanda Louis fatigué par ce globe d’émotions soudaines »
« Hambourg ! » fit mademoiselle Charpy.
« Hambourg, warum nicht ? » firent ils ensemble. Notre petit erithacus rubecula à la gorge orange de treize centimètres sautillait de joie, prés pour de nouvelles aventures non scolaires malgré le froid du nord qui commençait à lui chatouiller le plumage gris-vert.
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