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lettresdumonde
11 mars 2021

Voyage en Provence (1)

Avant de se mettre au lit, Annette, dans le bonheur du jour, avait rangé sa crème de soin rose de jouvence. Avant de s’endormir elle avait lissé sa longue chevelure blonde. Elle était prête à continuer la nuit ce qu’elle était le jour : une source de lumière. Sa peau révélait l’éclat de la Provence vers Manosque. Demain comme à l’ordinaire elle se lèverait pour rejoindre la place de l’hôtel de ville où à l’office de tourisme elle accueillait les mordus de nature. Elle était guide-accompagnatrice et sa spécialité, acquise à l’université de Provence à Aix, lui avait donnée toutes les connaissances spécifiques de la région manosquine, des deux cent vingt-huit espèces de plantes des hautes Alpes et des espèces de figues du Lubéron. Annette, belle comme un soleil aux alentours de la Méditerranée illuminait le pays de Giono jusqu’à la montagne de Lure. Annette Durera avec son accent chantant sorti tout droit d’un personnage de chez Pagnol et gorgé d’un vaste rire de lavandière accueillait les visiteurs avec bonheur. Depuis son arrivée au printemps 2033, la fréquentation du lieu avait gonflé. Jamais la région, de Forcalquier à Gordes, de Roussillon à Peyrolles en Provence, de Saint- Paul- lez- Durance à Aiguines, d’Aiguines à Oraison en passant par Saint-Jurs n’avait accueilli autant de monde. Des vocations de jeunes adolescents égarés s’étaient même formées. Ils avaient embrassé des études en botanique jusqu’à des doctorats depuis elle. Les yeux d’Annette avaient la couleur dingophile de la lavande quelque part nichée entre le plaisir et le désir. Ses joues étaient faites des plus belles roses d’amour dont le cœur arrondi semblait toujours attirer le baiser comme le font les soies de l’araignée amoureuse de son futur festin. Annette se parfumait à l’eau de lavande de chez Molinard. Sa peau était florale, boisée et exhalait l’esprit des champs ensoleillés. Tout son corps était un été provençal et invitait au voyage sur la garrigue, suave et musquée. Ce jour-là, où nous posions le pied pour la première fois dans l’office, Annette proposait un départ pour l’ajonc (Ulex Parviflorus). Nous étions en février 34 et Annette savait que déjà, la floraison précoce comme celle du mimosa (si beau quand on descend des Maures sur Bormes) et du romarin sur le maquis ravirait ses visiteurs.

Nous étions sept et ravis de partir sur les hauteurs de Manosque du côté de la tour du mont d’or de tous les vents, un ancien guet près des vielles ruines du castrum. Il était huit heures trente. Phoebus s’était déjà gentiment dégagé de sa gangue de nuit sombre. Le ciel était bleu comme seule la Provence sait le faire dans un dialogue intime entre la lavande et le bleu de pastel. Le chemin grimpait à peine dans la poudre d’ocre. Parmi nos promeneurs, férus de plantes et scotchés par l’aimant d’Annette, il y avait quatre jeunes filles qui participaient à un chantier de construction-rénovation du côté de Saignon, un jeune homme professeur de mathématiques dans les Pyrénées d’Aude et nous-mêmes qui mordu de fleurs n’était pas resté indiffèrent à l‘éclat de charme d’Annette. Février allait couler chaud comme un ciment dans son coffrage à destination d’un bel ouvrage d’art. Tous nous étions vêtus pour affronter un terrible soleil de Vantou d’aout quand désormais sur le sud la chaleur avait rebattu les cartes des glaciers du nord en liquide d’eau douce. Parmi les jeunes filles, il y avait Araceli Gloria originaire d’un petit village au Mexique près de Monterey dans le Nuevo Léon. Elle faisait des études d’architecture à Monterey et grâce à un programme universitaire international avait pu être retenu pour ce chantier en France. Araceli adorait la France. Elle avait travaillé pour sa thèse de troisième cycle sur les habitations troglodytes en Val de Loire. Sa deuxième passion portait sur la phytothérapie. Elle se soignait, déjeunait, alimentait sa beauté naturelle de centre- américaine. Marie Jeanne apprenait les arts culinaires au lycée des métiers de Manosque. Elle voulait intégrer par souci créatif dans ses projets de régale des arômes et des parfums issus des plantes rares de Provence. Âgée de dix-huit ans, sans doute ses plats auraient la saveur et l’attrait de son visage qui avait la beauté bizarre d’un paysage piquant des Alpilles. Un petit strabisme de Dalida ou de Dassin ne gâchait rien à son harmonie.

Elsa, aux mêmes cimes d’âges que sa copine Vanessa avait la peau noire d’ébène et la finesse cognitive d’une Angela Davis magnifique dans sa splendeur à refuser les atteintes bêtes des racistes d’ici-bas. Elle avait lu le génial Baldwin et son « blues pour l’homme blanc » pris dans sa glu culturelle blanche. Elsa était astrophysicienne, petite elle avait adoré le conteur de l’université de Montréal et l’auteur de l’heure de s’enivrer qui lui avait permis de grimper puis d'épouser les étoiles.

Vanessa était aromathérapeute herboriste sur le port de cancale.

Annette avait commencé sa présentation des ajoncs dicotylédones avec leurs petits airs de genêt épineux, ces fleurs jaunes qui attrapaient le soleil et cela dans un détail pointilliste...

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