Alix(3)

... Basil ouvrit la porte de son appart apocopé en faisant le tour de la taille d’Alix. Alix passa devant. Il faisait sombre et le lieu tenait un peu de l’antre du lion ou de la garçonnière baisodromatique mais des livres trainaient partout et dans tous les coins. Sur le lit défait comme chez Fragonard gisait le roman pluri-gamique puis monogamique d’Irving, la quatrième main, le « manchot et l’aveugle » songea Alix. Basile n’était pas uni manuel. Un autre chat roux sommeillait sur un coussin au pied du lit, tout près de la tempête de Shakespeare. Contre les trois murs se pressaient des étagères gavées de livres de toutes origines et d’une douzaine de vieux Larousse orange.  

« Vous voulez boire quelque chose Alix, je peux vous proposer un gin d’Irlande, slow distilled avec de l’angélique, des feuilles de mûres, de l’ail sauvage, de la fleur de pissenlit, des pétales de genêts et de coriandre ou, mon préféré, un rhum jasmin, cannelle et vanille bourbon. »

« Va pour un rhum jasmin » fit Alix qui s’assit sur le lit sans tête sinon quelques livres encore, « la belle vie » de Mcinerney, « Canada » de Ford, le dernier Mabanckou, « le parfum » de Süskind, tous écrit en Louis braille sans crier.

Basile servit les glass, accompagnés de deux glaçons. Il semblait si à l’aise dans ce décor qu’Alix se demanda s’il ne lui jouait pas la comédie des yeux faibles. Il faisait chaud dans ce petit studio. Par la fenêtre et à travers une grande toile d’araignée superbe, le soleil, comme un troupeau de mouettes, giclait. Alix fit sauter son beloved discrètement, sa poitrine ronde s’installa dans un rayon de Phoebus qui transperçait la soie qui faisait la fière, pour aller se fondre à bras raccourcis sur sa belle de jour.

« Vous avez chaud Alix ? »

« Comment le savez-vous Basile ? »

« C’est le jasmin Alix, vous n’auriez pas enlevé votre vêtement Alix ? »

« Décidément, on ne peut rien vous cacher Basile malgré vos yeux en panne, on dirait que vous voyez tout ! »

« Je sens Alix, rappelez-vous, je sens au point ou vous ne pouvez même pas imaginer l’efficacité de mes cellules. Votre parfum osé, Antar disent les hébreux me raconte dans le détail les formes merveilleuses de vos seins, chaque grain de votre peau me conte une belle histoire comme la pirole cachée dans la mousse d’un lieu humide. Vos seins que je pourrais peut-être toucher tout à l’heure pour confirmer ont le pouvoir, sans qu’on les voie, de réveiller tous les dormeurs du val. Je les sens complices comme des jumeaux du même œuf au ventre rebondi ».

« C’est vrai, je les aime bien » fit Alix « je sais qu’ils accrochent souvent l’attention des hommes à l’imprimerie, mais vous vous n’avez pas d’yeux Basile, vous ne pouvez pas savoir »

« Détrompez-vous Alix, je vois bien mieux que beaucoup de gens, vous l’avez dit, rien ne m’échappe. Un de mes amis étudiant me disait avant-hier qu’aujourd’hui les gens ne savent plus voir parce qu’ils voient trop, moi je ne vois rien donc je vois plus, je m’arrête longtemps. Il y a quelque chose d’écrit Alix sur votre pull, son parfum, les contours de la fibre me disent quelque chose de vous Alix »  

« Beloved » fit Alix comme le titre de Morrison. C’était le papier que je lisais tout à l’heure quand nous étions assis dans le jardin »

« Beloved » fit Basile « bien-aimée, ô comme j’aimerais tant voir ce qu’il y a below »

« En dessous vous voulez dire Basile, »

Alix se rapprocha un peu du garçon tandis qu’une force interne incommensurable la poussait à ôter son vêtement et faire déguerpir son soutien-gorge en soie tussah rose. Elle se rapprocha encore quand le jasmin explosa en feu d’artifice comme un stratus aux longs cheveux qui était prêt à lâcher sa pluie. Basile ne put que déposer ses lèvres sur la chaire d’ange d’Alix qui trinquait avec le désir infini de plaire en tendant comme l’aurait fait la flèche de Cupidon qui ne s’en foutait pas, en ce moment délicieux...