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lettresdumonde
31 mai 2020

Alix (1)

   Il avait rencontré Alix sur le quai de la gare de l'est place du Onze Novembre. Elle avait mal ajusté son masque qui était tombé sur les rails, emporté par une rafale de vent. Il n'avait pas cherché à ramasser le tissu qui n'était pas un loup pour le rendre à la jeune fille mais il était resté scotché sur sa bouche qu'elle avait si grande et si belle que même une baie de paradis sur une île magique n'aurait pu concurrencer. Alix avait les yeux bleus comme l'eau d'un lagon pure quelque part du côté de Bora-Bora. Par l'été étouffant de juillet elle portait un teeshirt vert sur lequel était imprimé le mot Beloved. Il pensait à la grande romancière américaine...Ses seins que l'on devinait faisaient monter les lettres imprimées de manière fort désirable. Le O se perdant au milieu dans la plaine de ses coussins tandis que les deux E à égale distance du O pointaient comme des jumeaux au nez brun. Alix avait la taille fine, ses fins et hauts talons soulignaient sa sveltesse générale. Ses deux genoux ad libitum, magnifiques et très hauts tutoyaient poliment ses cuisses parfaitement halées. Elle tenait dans sa main droite un cartable de cuir roux assorti à sa courte jupe qui épousait joliment le mouvement de ses jolies jambes dorées à souhait. Alix se dirigeait vers le kiosque à journaux. Elle acheta le monde. On était vendredi. Puis elle s'assit sur un banc en métal vert qui s'était posé à quelque pas dans le jardin Villemin près de la mare écologique. Elle ouvrit "le monde des livres" qui présentait en garde un article sur Tony Morrison, prix Nobel de littérature 93. Sur le même espace de jardin, en face d'elle, il s'assit. Un charme du Japon à l'écorce lisse, pourpre et violacé faisait descendre gracieusement quelques-unes de ses branches portant un feuillage en rameau rouge et pubescent. Le ciel était bleu. Alix était plongé dans son journal. Elle avait chaussé sur son nez légèrement Emma Stonien et devant ses yeux verts une paire de lunette. Ses bras nus dégageaient une sensualité égale à l'Arizonienne. Ses mains aux longs doigts rose de pianiste tenaient entre l'index et le majeur une fleur de tabac équipée d'un porte- cigarette dorée. Alix fumait dans l'harmonie et la beauté. Sa chevelure rousse telle une lionne de Tanzanie bouclait les effets fatals de son attirance.

Il la regardait en silence, assis comme au musée où la grâce aurait tombé comme des flocons de neige. Alix leva les yeux de son papier pour s'apercevoir qu'on la regardait dans les yeux sans manifestement vouloir plus que regarder. Elle avait l'impression sous ce soleil de plomb, d’être l'émanation d'une page de magazine glacée bien que ce regard n’eût aucune viscosité. Le jeune homme habillé comme un lycéen de ce temps ne dépassait pas la vingtaine. Le blond de ses cheveux dansait dans un blond de quinze juillet.

"Vous me regardez ?" demanda Alix qui commençait tout de même à se sentir mordue par toute cette scrutation insistante.

"Je ne crois pas madame, je suis non voyant, c'est votre parfum de jasmin qui me tient en laisse, il me rappelle mon enfance et je ne peux pas résister. Chez ma grand-mère en Corse prés de Zonza, dans mon petit carré de jardin, il y avait des milliers de jasmins sauvages qui revenaient tous les ans. Moi j'y passais mes vacances, les jasmins ont pénétré mon cerveau mes poumons depuis mon enfance. Ils ne me lâchent plus depuis et vous madame vous sentez le jasmin. Êtes-vous belles avec ce parfum qui vous accompagne partout ? Je suis incollable sur le jasmin vous savez, c'est une oléacée magnifique. Mon préféré c'est le jasminum grandiflorum. Les fleurs sont un peu rosées, j'imagine comme votre teint, c'est celui qu'on utilise en parfumerie. C'est à Grasse en France où l'on produit le plus d'essence. Pour moi il est le plus suave du règne végétal. Certes, j'aime bien aussi le jasmin turc. J'aimerai y prendre des bains comme chez Ingres, les fleurs blanches sont délicieusement odorantes. Ils nous viennent d’Inde. Vous permettez que je m'approche de votre cou pour deviner d'où il vient ?"

"Vous vous croyez dans parfum de femme et moi dans le rôle de Moira Orféi ? vous êtes risible monsieur !"

"Non pas du tout mais laissez-moi, s'il vous plait, sentir votre cou madame Alix ."

"Comment connaissez-vous mon prénom ?"

"Je suis aveugle mais j'ai des connaissances vous savez ?"

Alix se rapprocha du jeune homme blond pour lui prêter son cou laiteux afin qu'il puisse humer son parfum. Il se rapprocha de la jeune fille au plus prés. Son nez frémissait comme le petit nez d'un chaton. Puis il déposa ses lèvres sur la peau douce de la fille sans lui demander son avis.

"Vous avez besoin de vos lèvres pour sentir ?" fit-elle, chatouillée en s'écartant un peu.

"Oui l'odorat et le goût me permettent ensemble de limiter au maximum les erreurs. Mes capteurs sont comme les jumeaux digitaux de mon cerveau. J'ai tout le catalogue en tête, je suis imbattable, rapprochez-vous encore un peu Alix....." 

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