Dans son cerveau

   Dans son cerveau, Volodia savoure 651,3 kilomètres de vaisseaux sanguins. Partout sur les rives, il voit des milliards d'embranchements, de synapses, de soma neuronaux, d'épines dendritiques qu'il prend, installé dans son flux, comme assis dans un train rapide ou un meuble Louis Philippe, pour des points de canevas, des fleurs multicolores, des oiseaux de feu, des pointes de lances, selon !

Volodia souffre du syndrome de Charles Bonnet. Pourtant il sait parfaitement qu'il n'est pas le chevalier à la triste figure, pas plus le cavalier sans tête, il y a bien longtemps qu'il a trouvé l' amour !

Serge chilpoule, son ophtalmologiste préféré a posé le diagnostic de sa macula qui craint. Tous les mardi, vers 8 heures15, au levée de son jour, volodia voit des vagues, de belles vagues bien hautes et qui dansent, Terpsichores bien roulées, il se voit en rafiot, épuisé de sa nuit tourmenté, son oreiller mesure la houle. En se levant, il ne voit plus rien, pourtant entre ses oreilles et vers l'arrrière, ça carbure à fond ! Debout, des surfers, tenues moulantes, traversent sa chambre en un clin d'oeil . Dans l'escalier en descendant, la rampe glisse, il voit de la neige, comme au pic du midi qui pourtant n'a plus froid.

C'est trés fatiguant !

Volodia voit et imagine,Volodia imagine et voit. Quand Lantier, le grand fournissieur externe de charbon dans sa loco corticale fait défaut, se fatigue ou fait la pause- café de Véronique Bunny, Volodia embauche ses propres circuits personnels, mulitiplie les aiguillages, fabrique des voies celluaires, des carrefours, des sensations : la nature a horreur du vide et son cerveau aussi !

Au kilomètre 332.82 du fleuve, son vaisseau a dématé; par chance il avait sur lui son portulan mouillé mais il a dû abandonner la route du rhum.